Accueil du site > Les auteurs associés à Théâ > Joël JOUANNEAU > Bonus Théâ > Un voyage imaginaire

Un voyage imaginaire

Portrait de Joël Jouanneau

Comme pour attester que toute naissance est violence, c’est par le canon d’une kalachnikof qu’un enfant de dix ans braque sur lui que Joël Jouanneau nait à l’écriture. Cet enfant-là va le hanter au point qu’en écrivant pour le jeune public, il « poursuit une conversation qui n’a jamais eu lieu ». On le voit, l’envoyé spécial au Liban ne rentre pas indemne de son voyage à Beyrouth. Faisant sienne la remarque de Marguerite Yourcenar « J’ai fait le tour du monde : c’est une petite prison. », il décide de se faire vagabond sédentaire et de témoigner du piteux état de la planète, non plus en journaliste, mais en poète.

L’enfant et l’enfance au creux des fables Après une première pièce « Nuit d’orage sur Gaza », qui tente de « retrouver les ossements de la tragédie antique dans la volence contemporaine », il fourbit des comédies typiques et typées ensemencées de voyages et d’utopies. Dans le Bourrichon, comédie rurale, l’enfance coupée du monde est au coeur d’une histoire dont les héros rêvent de voyages sans jamais partir. Le personnage principal de sa comédie alpine Kiki l’indien, lui, a réellement fait le tour du monde, mais sa tête n’a jamais quitté les Alpes Mancelles. Il était alors question de l’impossible passage à l’âge adulte. Quant à Mamie Ouate en Papôasie, comédie insulaire et troisième volet de la trilogie De l’errance et l’éclat de rire, son voyage est totalement imaginaire. « Les deux personnages sont des enfants qui n’ont jamais quitté la campagne et qui se racontent des histoires en technicolor. Aussi, quand il a été question de l’île Blup-Blup, je la voyais comme celle que je dessinais gamin, un rond jaune avec du bleu autour et un panier dessus. » Vision que le scénographe Jacques Gabel interpréta à sa manière. L’île devint une immense baleine échouée avec des yeux de hublot. Sous un ciel de nuages légers filant entre les ailes d’un oiseau bariolé, Mamie Ouate, liliputienne blanche mâtinée de vieille dame indigne et de tante mariole, aidée de Kadouma, découvrira « Virginia », un énigmatique papillon femelle, au moment même de sa mort et au terme de neuf épisodes. « Pour moi, arriver à dix, c’était entrer dans le système décimal et donc de la logique adulte. M’arrêter à neuf, c’était rester dans le domaine de la déraison, de l’irrationnel, du conte. »

Mamie Ouate en Papôasie, en effet, est un conte philosophique qui parle à la fois de la mort et de la différence dont il faut savoir faire une force et, pour dire qu’ils ont besoin l’un de l’autre, oppose le grand et le petit, le blanc et le noir, l’Occident et l’Afrique.

« J’aime nourrir mes textes et pas seulement ceux pour enfants de l’énergie suscitée par la loi des contraires, comme j’aime à retrouver certains de mes personnages. Mamie Ouate et Kadouma sont de ceux-là. »

Effectivement, lorsque Joël Jouanneau reprend dans ses distributions Mireille Mosssé et Alain Aithnard, il nous indique que les personnages qu’ils incarnent sont les avatars de ceux de Mamie Ouate en Papôasie, avec lesquels il prolonge la conversation. Ainsi en est-il de Perroquet et de Cacatois dans le Marin perdu en mer, de Lili et Yoyo des Dingues de Knoxville, de son aveu la pièce la plus noire. Eux et leurs compagnons de fable, tout comme le fameux Dimitri, colérique-musicien de Allégria opus 147, appartiennent à la race des bourrichonneurs funambulisant sur leurs rêves.

Bandeaux : Robert Touati | Hébergement: Office central de la coopération à l'école | Mentions légales | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0