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THEA avec vous

Marie BERNANOCE THEA 2008

Pour un théâtre pressé, un théâtre qui intervient...

Pour un théâtre pressé, un théâtre qui intervient...

Au théâtre, tout ne finit pas toujours par la fin. J’aurais dû être avec vous, j’aurais dû accompagner votre belle aventure. J’aurais pu retrouver Nathalie Papin, dont je croise si souvent le chemin, et avec toujours plus de bonheur. J’aurais pu découvrir Jean Cagnard, dont je viens de relire plusieurs pièces mais que je n’ai pas le bonheur de connaître... « J’aurais dû... mais j’ai pas pu », comme dirait P’tit Gibus dans La guerre des boutons. Alors, je veux être un peu présente aux côtés de tous ceux que le théâtre jeunesse réunit, jeunes et moins jeunes. Je vous livre ces quelques lignes pour partager avec vous le goût que j’ai, de plus en plus, pour ce théâtre et ses textes. Je mettrai ma réflexion sous le signe de ce merveilleux poème de René Char : Tu es pressé d’écrire, Comme si tu étais en retard sur la vie. S’il en est ainsi fais cortège à tes sources. Hâte-toi. Hâte-toi de transmettre Ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance. (Commune présence, Gallimard, 1934)

Alors, où est-ce que je veux en venir ? Le théâtre jeunesse est pressé. Pressé de repartir aux sources de la vie, pressé de sentir sous ses pas un chemin parfois semé des cailloux blancs du petit Poucet. Quand on est un peu perdu dans le monde, quand on y cherche un espoir, quand on veut le garder, quand on veut se garder, rien de tel que ces textes dont s’éloigne l’ego facile des adultes installés ou qui s’installent. Je lui préfère l’incertitude et la fragilité solide de toutes ces paroles qui cherchent le monde, pour les jeunes car pour tous. Le théâtre jeunesse est pressé. Pressé de faire, de faire faire. De dire De transmettre De grandir Ce théâtre est pressé, sous presse, il va sortir, toujours plus fort, de jour en jour plus sûr. Depuis son explosion éditoriale dans les années 80-90, il n’en finit pas de mûrir, de se bonifier : ses saveurs se complexifient, il faut un palais raffiné pour en goûter toutes les subtilités. Certains ont gardé des papilles bien insensibles, qui n’ont pas suivi sa maturation. Ils croient encore qu’il n’est qu’un hors-d’œuvre avant le plat principal...

J’abriterai aussi ma réflexion sous l’ombre tutélaire de ce texte d’Henri Michaux, qui me suit partout, quoi que je fasse : Autrefois, j’avais trop le respect de la nature. Je me mettais devant les choses et les paysages et je les laissais faire. Fini, maintenant "j’interviendrai". J’étais donc à Honfleur et je m’y ennuyais. Alors résolument, j’y mis du chameau. (« Intervention », La nuit remue, Gallimard, 1935.) Alors, où est-ce que je veux en venir ? Le théâtre jeunesse intervient, doit intervenir Dans la cité Dans nos vies de personnes toujours grandissantes Dans notre imagination que personne ne doit attacher, ne doit clouer au moindre piquet, surtout celui des marchands. Oui, ce théâtre intervient car il dit le monde. Comment un éditeur, un écrivain, un metteur en scène ou un comédien pourrait-il croire qu’il va toucher des enfants, des jeunes, sans donner le meilleur de lui, le plus généreux, même quand c’est parfois dans la maladresse de certains enfantillages ? Ce théâtre qui se soumet à l’épreuve du regard des enfants, des jeunes, qu’ils le lisent, le voient ou le fassent, est un théâtre engagé. Il veut transmettre, au moins ses questions. Il veut partager sa joie de vivre, d’écrire, de jouer avec la langue et l’imaginaire. Il veut et doit partager. Il est fait pour cela. Il existe pour cela. Se dire en disant l’autre. Le théâtre jeunesse est un théâtre pressé d’intervenir auprès de tous ! Pour finir, voici une anecdote à l’intention tout particulière de Nathalie Papin et de Jean-Cagnard. Faisant des recherches autour de la si belle et si forte pièce de Jean-Pierre Cannet, La petite Danube, je trouve ceci :

L’éditeur a choisi de faire paraître cette pièce dans sa collection pour ados (Théâtrales/jeunesse) et il convient effectivement parfaitement aux plus de 13 ans. Il y a là matière pour les jeunes à se questionner, pour les enseignants à évoquer les camps de concentration et les notions de responsabilité collective. Mais il serait dommage que cela cantonne La Petite Danube, qui n’aurait pas dépareillé dans la collection "tout public" de Théâtrales, à ce seul lectorat car c’est un livre fort, superbe et sans concession, dont la violence reste toujours symbolique mais qui émeut au plus profond.

Il faut expliquer à ceux qui ne l’ont pas encore vraiment compris que ce théâtre jeunesse qui s’écrit, se fait, se regarde aujourd’hui, a sa place toute entière dans LE théâtre, qu’il n’en est pas un succédané, un ersatz pour temps de rationnement, un produit dérivé faute de mieux, et que les adultes non seulement peuvent mais DOIVENT le lire, qu’il leur est aussi destiné.

Bonne route à tous pour ces rencontres de THEA et bon chameau !

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