Animation & Education
Apprendre par le corps

Concilier corps et têtes à l’école.
De même qu’aujourd’hui plaide pour une réconciliation de la nature et de la culture, de la raison et de l’imagination, du cerveau et du cœur, de nombreuses recherches théoriques et pratiques interrogent la place du corps dans notre école contemporaine. Le CORPS désigne un vaste champ, qui contient geste, mouvement, placement et déplacement, sensation, sensoriel, sensible, émotions, affects… Le corps singulier – l’arbre – et la forêt des corps habités (le collectif). Au fil des contributions ici réunies, provenant de pédagogues, de praticiens – enseignants ou autres – et d’artistes du spectacle vivant, apparaissent quelques paradoxes : — le corps organique est comme entité, il ne s’apprend pas, tout est juste prise de conscience, versus l’intelligence du corps se travaille, s’offre à des apprivoisements, voire des apprentissages.
Ce paradoxe se déploie dans la citation de Jacques Lecoq, pédagogue de théâtre : « C’est en enseignant que j’ai découvert que le corps sait des choses que la tête ne sait pas encore. » — Le corps comme essentiel, fondement incontournable d’apprentissages, et par ailleurs, avec une autre approche didactique, le corps comme vecteur, canal, instrument d’autres apprentissages. Sans doute ce dossier nous invite-t-il surtout à renoncer à la binarité de la pensée, à relier les apparentes oppositions pour le plus grand bénéfice des enfants et des adultes…
Dans « apprendre par corps », il est question d’apprendre à faire circuler correctement l’énergie dans son corps. On y comprend que notre corps est « notre maison » (Claire Ruppli), qu’il est bon d’en connaître le fonctionnement pour en prendre soin. Les témoignages à propos des corps en théâtre décrivent les pratiques qui favorisent le respect du corps, des corps, en apprenant à canaliser les énergies en les libérant.
À la lecture de l'article « Corps dansant de l’enfant à l’école, ce qu’il apprend » de Dominique Verpraet, nous tourbillonnons et nous nous réjouissons de ces élans de vie à l’école. Nous réalisons aussi combien la résonance des mots dans le corps offre un accès à la poétique du monde (pour com prendre, lire les deux exemples de l’article de Jean-Claude Lallias).
Dans « apprendre par corps » s’invite également une ré flexion pragmatique sur le respect des contraintes physiques et sociale, sur des dispositifs qui engagent le corps pour construire des apprentissages ou pour aider à mieux y entrer. L’escapade dans l’école italienne de Reggio Emilia peut même faire rêver d’une école où la pensée de Malaguzzi rejoint celle de Pestalozzi sur l’importance « d’apprendre avec la tête, le cœur et les mains »..
Dans sa brève et passionnante analyse, Xavier Riond et nous explique pourtant que la question du corps à l’école n’est pas tranchée en France et nous alerte sur la « sportivisation » des activités physiques dans le contexte des JO 2024.
Le corps, dans notre organisation économique et sociale, même barbouillée de vert, est abordé avec le même cynisme que la nature : à la fois chéri et maltraité.
L’école n’échappe pas à ce paradoxe. En cette rentrée où les corps sont encore réglementai rement éloignés et les visages masqués, nous espérons pourtant, et plus que jamais, contribuer à l’envie des enseignants et des formateurs de faire apprendre par corps. Amis lecteurs, amies lectrices, haut les cœurs et les corps !
Véronique Baraize et Katell Tison-Deimat Pôle pédagogie-formation de la fédération nationale OCCE
Contenu de la ressource
- Numéro 282-283 complet - juillet/octobre 2021
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